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Une reconnaissance posthume en préparation

Le Parlement français s’apprête à réhabiliter Alfred Dreyfus, le capitaine condamné à tort pour trahison en 1894. Ce jeudi 6 novembre, une loi de réhabilitation sera définitivement adoptée au Sénat. Elle prévoit d’élever Dreyfus au grade de général de brigade, une décision symbolique qui intervient comme un acte de réparation et de reconnaissance.

La proposition de loi, portée par l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, se résume à une phrase : « La Nation française élève, à titre posthume, Alfred Dreyfus au grade de général de brigade ».

Selon Patrick Kanner, sénateur socialiste, cette démarche permet à la République de reconnaître ses erreurs et l’humiliation subie par cet homme. Il a été le porte-drapeau de l’initiative, inscrivant le texte à l’ordre du jour au nom du groupe PS.

Ce texte, déjà adopté à l’unanimité en juin à l’Assemblée nationale, doit maintenant obtenir l’accord du Sénat dans la soirée. La majorité semble favorable, ce qui devrait permettre son adoption définitive. Par ailleurs, cette loi s’ajoute à la mise en place d’une journée nationale de commémoration, chaque 12 juillet, pour rappeler l’innocence de Dreyfus, annoncée par Emmanuel Macron cet été.

Une « double peine » pour Alfred Dreyfus

En 1894, Alfred Dreyfus, alors capitaine, est condamné pour trahison. Il est exilé sur l’île du Diable en Guyane, sur la base de fausses accusations, alimentées par un fort antisémitisme répandu dans la société française de l’époque.

Après plus de dix ans de luttes et de révélations, la Cour de cassation l’innocente le 12 juillet 1906. Il est alors réintégré dans l’armée, mais sa carrière est compromise. Une loi le nomme chef d’escadron, un grade qui ne tient pas compte de ses cinq années d’emprisonnement, considérées comme une « double peine ».

Michel Dreyfus, arrière-petit-fils d’Alfred, déplore cette injustice. Alfred Dreyfus lui-même souhaitait voir sa carrière revalorisée, mais cela ne s’est pas produit. Il quitte l’armée en 1907, avant de servir à nouveau lors de la Première Guerre mondiale.

Des réserves et des risques d’instrumentalisation

Malgré un large soutien, cette initiative suscite aussi des réserves. Certains parlementaires craignent qu’elle ne serve d’instrumentalisation politique, notamment dans un contexte où les actes antisémites progressent en France.

Les députés du MoDem ont exprimé leur inquiétude, redoutant que cette loi ne soit utilisée pour donner une image de lutte contre l’antisémitisme qui pourrait être perçue comme fallacieuse. Au Sénat, plusieurs sénateurs, notamment Républicains et centristes, hésitent ou comptent s’abstenir.

Cédric Perrin, président LR de la commission des Forces armées, a exprimé sa gêne face à ce qu’il considère comme une opportunité pour certaines formations politiques de se donner une image d’antisémitisme sans réellement agir.

Une réparation manifeste, mais contestée

Le président Emmanuel Macron a lui aussi exprimé quelques doutes, en juillet dernier. Il a évoqué le fait que la promotion dans la carrière militaire doit respecter des « circonstances avérées du temps présent ». Cependant, il a laissé la porte ouverte à la souveraineté du Parlement.

« Nous réparons au contraire une erreur manifeste qu’avait commise le Parlement lui-même en 1906 »,

Rachid Temal, rapporteur du texte, insiste pour souligner que cette loi corrige une erreur flagrante. Il affirme qu’il serait absurde de craindre que certains utilisent cette loi pour masquer leur antisémitisme.

Les descendants d’Alfred Dreyfus accueillent cette décision avec satisfaction. Michel Dreyfus voit dans cette loi une reconnaissance de la valeur de son ancêtre, non seulement comme victime mais aussi comme héros. Quant à Anne-Cécile Lévy, elle espère qu’un jour, Alfred Dreyfus sera honoré au Panthéon en reconnaissance de ses valeurs.

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